Il y a 4,000 ans les branches d’hommes Beaugrand, Perrot (à Pierre), Belhumeur-Blosse et Soucy-Lavigne n’en formaient qu’une seule, la Z142.

Il y a environ 4,000 ans les branches des hommes Beaugrand, Perrot (à Pierre), Belhumeur-Blosse et Soucy-Lavigne n’en formaient qu’une seule, la Z142. L’arborescence présentée à la Figure 1 illustre schématiquement comment ces lignées se sont différenciées à partir de la lignée Z142 pour former quatre branches d’hommes distinctes qui persistent jusqu’à nos jours.

Figure 1. Différenciation en aval du SNP Z142 de quatre lignées d’hommes que l’on trouve au Québec de nos jours et qui avaient le même ancêtre patrilinéaire il y a ~4,000 ans.

Seuls les hommes peuvent transmettre leur chromosome Y à leur garçon lors de la fécondation. Ce père l’a reçu de son père, qui l’a à son tour reçu de son propre père. Ce chromosome Y suit la lignée des pères, le patrilignage.  Le chromosome Y comprend environ 57 millions de paires de bases azotées. Pour rappel, les quatre bases sont l’Adénine, la Cytosine, la Guanine et la Thymine, d’où l’alphabet de base de l’ADN basé sur la première lettre de ces 4 bases: A, C, G, T. 

Au moment de la production des spermatozoïdes, il arrive que des mutations se produisent dans l’ADN du chromosome Y et qu’un fils n’hérite pas une copie exacte du chromosome Y de son père. L’une des paires de bases à une position donnée peut s’être substituée à une autre, une paire additionnelle peut s’y être insérée ou, au contraire, une ou plusieurs paires peuvent aussi disparaître. Une fois qu’elles se produisent dans l’ADN du chromosome Y, les mutations sont transmises héréditairement. Les garçons de cet homme posséderont ces mêmes mutations dans leur ADN-Y et leurs fils les transmettront à leur tour à leurs propres fils si ces dernières ne rendent pas stérile leur porteur ou ne sont pas mortelles.  On estime qu’à chaque 100 ans environ une nouvelle mutation se produit dans l’ADN du chromosome Y d’une lignée d’hommes. On peut donc considérer le chromosome Y comme une archive cumulative des mutations produites dans une lignée d’hommes depuis les premiers hommes.

En suivant ces caractéristiques, il est ainsi possible de suivre les lignées d’hommes et de remonter à un homme qui fut, en principe, le premier à posséder un chromosome Y à l’origine d’une lignée d’hommes particulière.  Les chercheurs utilisent donc ces mutations pour suivre la phylogenèse de l’ADN du chromosome Y humain. Une mutation introduit donc une bifurcation entre la branche ancestrale qui se poursuit et une nouvelle branche qui en émerge, formant ainsi une dérivation. Les mutations retenues par les chercheurs pour reconstituer la phylogénèse de l’ADN s’appellent des SNP, pour <Singularité du Nucléotide Polymorphique>.  Chacune des nouvelles mutations SNP découverte dans l’ADN-Y reçoit un label et est cataloguée à http://ybrowse.org/gb2/gbrowse/chrY/?  en indiquant sa position sur le chromosome et la valeur ancestrale. La plupart des nouvelles mutations sont trouvées dans l’ADN des généalogistes qui se font tester pour mieux connaître leurs origines ancestrales. Le buisson de l’ADN-Y est dynamique et croît systématiquement plus de généalogistes décident de se faire tester.

Ainsi, les chromosomes Y des lignées des hommes Belhumeur-Blosse, des Perrot (lignée de Pierre), des Beaugrand-Champagne et des Soucy-Lavigne de la Figure 1 ont tous été testés pour leurs SNP. De plus, nous savons par triangulation que les lignées d’hommes Perrot. Beaugrand-Champagne et Soucy-Lavigne sont bien celles introduites en Nouvelle France par les premiers arrivants de leurs lignées respectives.  La lignée Belhumeur-Blosse est en voie de triangulation. 

Les triangulations de ces lignées ont été enregistrées au Catalogue de signatures ancestrales à www.triangulations.ca

Les chromosomes Y de ces quatre lignées d’hommes appartiennent tous à l’haplogroupe majeur R-M269 et à une ramification de ce dernier appelée la branche R-U152. Cette branche U152 est considérée comme celle des <Celtes alpins>. Au cours des millénaires depuis son implantation en Europe à l’âge du fer il y a ~4500 ans, cette branche U152 a été l’objet de nombreuses mutations SNP.  Les chercheurs en généalogie génétique ont été en mesure, à partir des SNP apparus plus en aval de U152, de subdiviser les radiations de la branche U152 en plusieurs petites branches appelées sousclades et l’un de ces sousclades est défini par le SNP Z142. 

La phylogénèse des mutations SNP d’une branche patrilinéaire peut être représentée par le parcours séquentiel des SNP qui le composent. Ce parcours correspond aux haplogroupes successifs auxquels ont appartenu les ancêtres successifs de cette branche, depuis les premiers hommes africains jusqu’au SNP le plus récent de la branche.

La notation utilisée dans ce parcours pour en indiquer les étapes comprend d’abord le nom de l’haplogroupe majeur d’appartenance, par ex. l’haplogroupe R,  suivi du SNP qui sert de critère d’appartenance à cet haplogroupe ou au sousclade de cet haplogroupe.   

Voici le parcours que les quatre lignées d’hommes de la Figure 1 ont suivi depuis les premiers hommes africains jusqu’au SNP Z142:

[Premiers hommes] > A0-T-A2752 > A1-L985 >A1b-Z11900 >BT-M9379 >CT-CTS11575 > CF-PF2723 >F-CTS11726 > GHIJK-M3684 > HIJK-PF3494 > IJK-PF3497 > K-PF5459 > K2-PF5979 > K2bPF5990> P-PF5850 > P-M1254> P-PF5867> P-P337> P-P284> P-P226 > R-L248 > R-Y482> R1-F211> R1b-PF6090 >R-L754> R-L389> R-P297> R-M269> R-L23> R-L51> R-L52> R-L151> R-P312> R-U152 > R-L2 > R-Z49 > R-Z142

Dans ce parcours de SNP, le signe  > correspond à une descendance. Ainsi A1-L985 > A1b-Z11900 > BT-M9379 signifie que l’haplogroupe A1 est l’ancêtre de l’haplogroupe A1b et que A1b est le descendant de A1. A1b est également l’ancêtre de BT. BT descend de A1b. La descendance n’implique pas être le fils de l’ancêtre mais plutôt être un descendant de son descendant. 

La nomenclature utilisée dans le parcours plus haut est celle de Yfull. FTDNA  et ISOGG utilisent d’autres labels pour les mêmes SNP.

Ceux qui ont accès à internet peuvent examiner la <taxonomie> de l’arbre préparé par Yfull à  https://yfull.com/live/tree/A0-T/      

La section qui concerne R-Z142 et ses sousclades se trouve à https://yfull.com/live/tree/R-Z142/

Pour revenir à mon affirmation initiale, voulant que ces 4 lignées n’en formaient qu’une seule il y 4,000 ans, elle implique que ces quatre lignées d’hommes ont obligatoirement partagé un ancêtre commun à chacune des étapes depuis les premiers hommes (présumés africains) jusqu’à l’ancêtre R-Z142. En fait, ces lignées n’en formaient qu’une seule jusqu’au SNP Z142 et ce n’est qu’à partir d’il y a environ 3,500 ans qu’elles se sont différenciées les unes des autres. Tel qu’illustré à la Figure 1, le sousclade Z142 s’est alors subdivisé en d’autres sousclades, les FGC22963 et S7402. Puis, le sousclade S7402 a donné lieu à trois sousclades additionnels, conduisant de nos jours à des québécois portant les patronymes de Perrot (de Perrot Pierre), Beaugrand-Champagne, et Soucy-Lavigne.

Évidemment les lignées d’hommes concernées ne portaient pas nécessairement les noms que leurs descendants portent aujourd’hui. Les noms de famille fixes et héréditaires s’établirent au 10e siècle en France (pour les contrats et l’imposition). Il aura suffi que deux frères ou cousins choisissent des patronymes différents pour que leurs deux patronymes distincts se transmettent jusqu’à nous.

L’intérêt de faire tester <profondément> notre chromosome Y afin d’y trouver les SNP les plus récents, n’est pas uniquement d’identifier parfaitement l’haplogroupe auquel notre ADN-Y appartient.  Il permet aussi d’en découvrir la phylogénèse et de comprendre les liens de parenté qui existent entre diverses lignées d’hommes qui partagent, au moins en partie, un même parcours phylogénétique.

Plus les hommes feront tester leur Y pour connaître les mutations les plus récentes dans leur chromosome Y, plus l’arbre représentant la phylogénèse de l’ADN du chromosome Y humain deviendra détaillé et fleuri. Cela augmentera nos chances de trouver des concordants au niveau du parcours de l’haplogroupe. Des informations colligées sur les origines de ces lignées d’hommes pourront éventuellement nous aider à trouver les origines régionales de nos propres ancêtres.

À cette information phylogénétique s’ajouteront celles fournies par les recherches sur l’ADN ancien. L’archéogénétique a pris une expansion spectaculaire depuis 2013.

Nous pouvons déjà entrevoir les cultures successives auxquelles nos ancêtres participèrent, à la lumière de notre propre parcours phylogénétique, des découvertes faites grâce à l’ADN ancien et de l’histoire, sujet que j’aborderai dans une prochaine chronique.

Jacques P. BEAUGRAND PhD.

beaugrand.jacques@UQAM.ca

Dunham, 11 janvier 2021.